S.F.I. par Stéphane Chabrier
Texte et photos suivantes par Stéphane Chabrier.
Ce Travail à été réalisé pendant 5 semaines entre Janvier et Mars 2009 auprès du centre d’éducation pour adultes Åsö Vuxengymnasium situé à Södermalm au cœur de Stockholm.
“La vie commence en Suède avec SFI.”
C’est précisément de cette phrase que mon idée du projet a commencé l’année dernière. Souvent pris pour le bouc-émissaire de la non-intégration des étrangers en Suède, S.F.I qui signifie “le suédois pour les immigrés” c’ est un organisme qui vise à donner aux immigrants adultes qui n’ont pas ou peu de base de lecture et d’écriture une initiation pour s’exprimer en suédois et une connaissance de la société suédoise pour appréhender le marché du travail.
Né à la fin des années 60, cette organisme d’état était composé de professeurs qui se déplaçaient dans les entreprises pour enseigner le suédois à la main-d’œuvre étrangère des entreprises suédoises. Chaque commune doit dispenser des cours gratuits et non obligatoires. Depuis 1965, des réfugiés fuyants les conflits mondiaux; Chiliens en 1973, Libanais en1982, Bosniaques en 1994, Irakiens en 2003, mais aussi de Cuba, Somalie, Érythrée, Europe de l’est, Amérique du sud et kurdes se succèdent ou se sont succédés sur les bancs de S.F.I.
Les portraits en présence dans la série sont des immigrants hommes et femmes venant de plus de 35 différents pays entre 18 et 30 ans résidant en Suède depuis quelques mois seulement.
Après avoir présenté mon projet à la recteur de S.F.I et obtenu l’autorisation de photographier dans les locaux, j’ai présenté mon projet à chaque classe avec l’appui des professeurs intéressés par le projet. En expliquant ma démarche et le but de ces images.
Moi-même ex-élève de S.F.I cela m’a considérablement aidé dans mon approche dans les classes et malgré les réticences de beaucoup par rapport à leur statut en Suède (certains immigrés ne sont pas en situation légale en Suède et refusent de participer pour ne pas apparaitre dans la série par peur de l’état suédois) les élèves étaient à l’écoute du projet malgré la barrière de la langue.
A mi-chemin entre deux cultures, parfois sans connaissance de la langue anglaise, la communication a pu s’avérer compliquée. Chaque classes contient de 25 à 30 élèves restant de 4 à 6 mois séparées en 2 niveaux C (débutants) et D (confirmés).
Les cours sont donnés chaque jour soit le matin soit l’après-midi pendant 4 heures. Chaque classe à ses propres clans issus de la disposition des tables dans la salle, les tables rondes favorisent le travail en groupe et l’échange. A l’inverse les tables en rang alignées par deux ou par quatre cassent la dynamique de groupe et favorisent l’isolement ou le travail à deux. Chaque professeurs à une pédagogie propre qui a crée une dynamique positive envers le projet ou bien une méfiance voir une négativité planant sur la classe.
Sur les quatre classes visitées deux ont acceptés ma présence et plus de 30 élèves ont acceptés de participer au projet. Les élevés peuvent arrêter S.F.I du jour au lendemain, il y a ainsi beaucoup de “turnover” de nouvelles têtes apparaissent et disparaissent ce qui n’a pas aidé à la bonne marche du projet. Je me suis donc appuyé sur des élèves présents chaque jours en observant la classe et en prenant rendez-vous avec les élèves et les professeurs avant ou après les cours. La journée se déroulait de la façon suivante : observation de la classe 1 entre 8 h et 10h30, 10h30-10h45 pause et dialogue avec les élèves, 12h-13h prises de vues dans la classe, 14h-17h observation de la classe 2. Le problème matériel principal était de ne pas pouvoir utiliser les salles de cours plus d’une heure par jour, les salles sont louées pour les cours S.F.I ce qui ne m’a pas permis de les avoir à disposition permanente. Le projet s’est clôturés par une exposition des meilleurs clichés dans les deux classes impliqués par le projet.
J’ai voulu mettre en évidence les archétypes de S.F.I, saisir le ressenti immédiat et détailler les affections qui résultent de la difficulté d’insertion vécu par les classes du couloir D. Par les postures en présence, dépasser les images d’intégration idéalisées et faire jaillir une autre réalité, aborder la problématique de l’ouverture de soi et de l’assimilation d’une culture. Le projet évoque une réalité sociale et culturelle propre à la Suède, l’exploration d’une segment de la société suédoise inconnu, révèle le tournant affectif qui succède aux premiers mois de l’idéalisation de la terre d’accueil. Le pied tremble, la lecture est hasardeuse, le rythme lent.
Cette série présente les conditions de travail des élevés, les difficultés et la faculté d’un primo arrivant à apprendre la langue, à imiter une culture a se comporter avec de nouveaux repères. Vivre cette cohabitation entre son passé, son présent et son futur, après l’arrivée dans un monde étrange, ou la langue débloque la frustration et développe une double identité. Après 6 mois de séjour dans le pays d’adoption, le choc culturel est à son comble, l’anxiété, l’irritabilité ou encore le repli sur soi provoque un conflit mental, émotionnel et social. Avec la volonté d’oublier un passé difficile en imitant le citoyen suédois, le plus rapidement possible mais la plupart non pas le souhait de se transformer en suédois.
La maitrise de la langue est alors une évidence, condamne ou encourage à se réinventer soi-même, à construire son rôle dans la société. Le propos est de montrer un visage méconnu de la Suède, Un monde à part, un lieu où de nombreuses nationalités se côtoient et vivent simultanément l’apprentissage de la langue suédoise. La pratique de la langue passe par l’imitation de sons caractéristiques qui exigent un effort de prononciation et de nuanciation conséquent. Les voyelles sont “apparentes” à l’inverse des consonnes déclenchent une expression spécifique du visage. Elles révèlent l’adoption de stéréotypes à l’égard de la Suède et des suédois, annoncent l’ajustement de l’individu au corps social. L’immigré montre le visage que autrui attend de lui, il colle à l’attente de la société pour être accepté et compris.
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