Le tirage charbon
Le tirage transfert charbon est sûrement une de plus belle technique photographiques jamais inventées. Dans cet article on rappelle les étapes fondamentales qui ont porté à son invention et on décrira les caractéristiques uniques qui en ont fait la reine des techniques de tirage. la deuxième partie de l’article c’est une introduction technique au procédé, les lecteurs à la recherche d’instructions détailles peuvent consulter les ouvres cité dans la bibliographie.
Note historique sur le tirage charbon
À ses débuts, la photographie produisait des images qui étaient assez peu durables, il suffit de penser aux premiers tirages au papier salé produits par Fox Talbot à partir de 1841. De nombreuses procédures furent mises en place, comme les virages de protection à l’or ou au sélénium qui sont encore d’usage courant pour les images argentiques. Mais la permanence de l’image restait le point faible de la photographie.
Les recherches motivées par ce problème ont abouti au tirage platine/palladium et au tirage au charbon, les deux techniques les plus stables mais aussi les plus belles de l’histoire de la photographie.
Bien que le premier brevet du tirage au charbon date de 1855, l’image ainsi obtenue ne présentait que des ombres avec des hautes lumières complètement lavées. Ce ne fut qu’après la remarque de Fargier, à propos de la profondeur de durcissement de la couche de gélatine, et l’inventions dans les années suivantes du transfert charbon, que le procédé fut breveté en 1864 par Joseph W. Swan dans la forme que l’on pratique encore aujourd’hui.
Les tirages ainsi obtenus résolvaient complètement le problème de permanence et de plus avaient une extraordinaire finesse et présence de l’image. Ce qui est assez étonnant si l’on pense qu’ils étaient produits seulement avec de la gélatine animale et de la poudre de charbon.
Par la suite, cette technique connut un grand succès et a toujours été considérée comme la méthode de tirage par excellence. Elle a été largement employée jusque dans les années cinquante, quand la production industrielle du papier charbon prêt à l’emploi cessa complètement. Aujourd’hui, un photographe qui veut utiliser cette technique est obligé de préparer lui-même son papier et la difficulté du procédé restreint sa diffusion.
Caractéristiques des tirages au charbon
Les tirages au charbon sont en absolu les plus stables. Ils ne sont pas composés d’une couche métallique, qui peut être oxydée, mais d’un pigment : simple poudre de charbon à l’origine, gouache ou aquarelle dans l’usage contemporain. Ces pigments, souvent dérivés des terres, sont donc complètement inertes. L’histoire de la photographie a moins de deux siècles et les questions de conservations des images sur le très long terme restent encore ouvertes, mais tout le monde peut encore admirer les peintures anciennes et même l’art rupestre, qui ont traversé des milliers d’années sans s’effacer. Les pigment utilisés pour le tirage au charbon sont fabriqués avec les mêmes constituants que ceux qui ont été employés pour ces peintures préhistoriques.
Mis à part leur stabilité, les tirages au charbon sont aussi caractérisés par une excellente gamme tonale, très étendue et riche, et une sensation de présence qui les rend uniques. Il y a trois raisons principales à cela :
- Tous les grands tireurs savent que le papier brillant met en valeur les ombres et produit les noirs les plus intenses, tandis que les hautes lumières les plus fines et délicates s’obtiennent sur papier mat. Les papiers traditionnellement utilisés en chambre noire sont soit brillant soit mat, alors que le tirage charbon est brillant dans les ombres et mat dans les lumières. Il permet donc d’obtenir le meilleur rendu sur toute la gamme tonale de l’image.
- Le tirage n’est pas constitué d’une couche métallique (argent, platine, etc) qui pénètre dans les fibres du papier, mais d’une pellicule de gélatine pigmentée plutôt épaisse fixée sur le papier. Cela augment le microcontraste et donne la sensation que la photographie “sort” de la feuille.
- La sensation de présence tridimensionnelle est aussi augmentée par le fait que la surface du tirage n’est pas plate : la couche de gélatine est plus épaisse dans les ombres profondes et plus fine dans les hautes lumières. Cette différence d’épaisseur peux dépasser les 0,3 millimètres, ce qui est tout a fait visible à l’oeil nu.
Presque un siècle et demi après son invention, toutes ces caractéristiques restent uniques au procédé au charbon et en font la technique de tirage photographique par excellence.
Description technique du procédé de tirage au charbon
Le tirage au charbon est un procédé lent et complexe qui nécessite beaucoup de préparation, de travail et de rigueur. De plus, tout est joué sur la consistance de la gélatine et de son pouvoir d’absorber l’eau. Si on veut obtenir des résultats reproductibles, il est absolument nécessaire de contrôler le taux d’humidité de la chambre noire, sa température, ainsi que celle de chaque bain utilisé (différentes températures sont nécessaires à chaque stade du tirage). Le choix des matériaux est aussi très important dans la réussite d’un tirage optimum.
On ne présentera ici qu’une introduction au procédé, le lecteur intéressé trouvera plus de détails dans la bibliographie présentées en fin d’article.
L’une des particularités de ce procédé réside dans le fait que l’image ne peut pas être directement tirée, mais sera transférée. Le support final sur lequel on reportera le tirage s’appelle “papier transport”. Il doit être préparé, ou encollé, avec une couche uniforme de gélatine dont les caractéristiques comme l’épaisseur, le degré bloom (dureté de la gélatine), le durcissement, etc, sont essentielles au résultat final. La solution de gélatine utilisée pour l’encollage contient du formaldéhyde, qui a la propriété de désinfecter la matière organique utilisée dans le procédé, mais surtout de durcir la couche de gélatine. Ce durcissement n’est pas instantané, il faut donc encoller le papier quelques jours avant les opérations de tirage.
Entre temps, on peut préparer le “papier tissu”, support avec une couche de gélatine pigmentée qui sera exposée et transférée sur le papier transport.
Le choix du support pour le papier tissu conditionne le résultat final. La solution utilisée est préparée en mélangeant de la gélatine à un pigment, avec du sucre, de la glycérine, de l’alcool. Ces trois derniers ingrédients permettent de contrôler le degré d’humidité du papier tissu, de rendre la gélatine élastique, d’éviter la formation de bulles, etc. Cette préparation est étalée avec grand soin sur le support du papier tissu, pour obtenir une couche d’épaisseur très uniforme, sans défauts, ni bulles, ni dépôts de pigments.
La préparation du papier tissu est l’étape la plus difficile du tirage au charbon.
Une fois sec (24-48 heures) le papier gélatiné est sensibilisé dans une solution de bichromate d’ammonium (ou de potassium), sel sensible à la lumière. Un ajout d’ammoniaque permettra de contrôler la pénétration du sel de chrome dans la couche de gélatine, ainsi que les propriétés mécaniques de celle-ci. Le papier sensibilisé est séché dans le noir pendant un temps bien déterminé et ensuite exposé par contact (donc négatif de la même taille que l’image finale) sous une source de lumière ultraviolette.
Pendant l’exposition du papier tissu on procède au mouillage du papier transport, car le transfert de l’image de l’un à l’autre n’est possible que grâce à un échange d’humidité entre les deux couches de gélatine. L’exposition terminée, le papier tissu est alors rapidement immergé dans de l’eau et placé en contact avec le papier transport, en prenant soin de chasser toutes les bulles d’air et d’obtenir une adhérence parfaite entre le deux couches de gélatines. On sort de l’eau les deux papiers encollés et on les place sous une presse pendant un certain temps.
On place ensuite le sandwich dans de l’eau chaude. Après deux minutes environs, on peut détacher le papier tissu du papier transport ; commence alors la phase de développement ou de dépouillement. Une agitation continue est nécessaire pour détacher toute la gélatine qui na pas été durcie par l’exposition. L’image commence lentement à apparaître. Le développement est complet une fois que les coulés de pigment que l’on observe sur le bord de l’image en sortant la feuille de l’eau, ont cessé. Mais le temps de développement ne peut pas être prolongé indéfiniment comme dans le tirage à la gomme bichromatée, car après une dizaine de minutes dans l’eau chaude, des gaz peuvent commencer à se former dans le papier, et causer le détachement de la gélatine ou la formation de micro bulles (blistering). Pour éviter ces problèmes, une fois que le dépouillement correct est atteint, on plonge le tirage dans de l’eau froide pour arrêter le développement et figer la gélatine. On procède alors au lavage de la feuille et au nettoyage des bords blancs de l’image.
Quand la feuille est sèche on traite le tirage dans un bain de metabisulfite de sodium, qui élimine toute trace du bichromate résiduel. Après un dernier séchage, on peut procéder à la repique de l’épreuve.
Tout ce travail sera alors récompensé par les magnifiques qualités du tirage au charbon, une des plus belles techniques inventées pendant toute l’histoire de la photographie.
Bibliographie sur le tirage charbon
Le lecteur intéressé peut lire le splendide livre Les procédés au charbon, de Monckhoven, Liébert, Colson, Tranchant, Schneeberger, éditions Jean Michel Place.
Damiano Bianca a écrit un très bon article en ligne (en italien) : le tirage charbon, le mythe. Damiano Bianca organise aussi des des stage de tirage charbon et, pour ce qui ne veulent pas étudier cette difficile techniques, il offre un service de tirage au charbon de très bonne qualité.
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