Patrick Rochon
© Patrick Rochon

Texte et photos suivantes par Patrick Rochon, traduction de Suzanne Mennechet.

 

J’ai commencé le Light Painting (Peinture de Lumière), à Montréal (Canada) en 1992. Je faisais aussi de la photographie plus traditionnelle mais en 1997, sur un vol Tokyo –New York, j’ai réalisé que je voulais consacrer tout mon temps a cet art : je me suis officiellement déclaré Peintre de la Lumière et n’ai plus jamais utilisé d’autre technique. Tout ce que je fais maintenant implique le mouvement de la lumière. Avec le Light Painting, j‘aime collaborer avec des danseurs et des performers, tirer des portraits également travailler dans la mode, les voitures, des produits haut de gamme, des nus.

Quand j‘ai commencé à faire du Light Painting avec mes amis j‘ai très vite réalisé que quelque chose de spécial se passait. Je pouvais voir un autre monde dans les images, quelque chose qui n ‘existait pas avant ou quelque chose qui n’était pas là dans le noir et qui apparaissait quand j’ouvrais l’obturateur. Comme si l’imagination venait juste d’entrer. Au lieu de prendre une photo, je montrais quelque chose de nouveau que l’œil ne peut pas voir. La lumière s’est allumée dans ma tête !

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Ceci est la première photo en Light Painting qui m’a fait suivre mon chemin. Elle a été faite avec mon amie Christine Lavoie. Elle pose nue et vous pouvez me voir bouger dans le fond, peignant la lumière autour d’elle. Au niveau de la lumière, je n’avais aucune idée de ce que je faisais alors, pas plus que maintenant la plupart du temps.

La base du Light Painting est simple et amusante. Voilà comment ça marche : La nuit ou dans le noir, tu mets ton appareil photo sur un trépied ou sur une surface stable puis tu ouvres l’obturateur de ton appareil pour un temps de sur exposition, par exemple de 15 ou 30 secondes et avec une lampe torche tu bouges autour de ton sujet. Quand tu as fini, tu fermes l’obturateur et voilà, tu as du Light Painting. Le temps d’exposition peut durer aussi longtemps que tu veux ou aussi longtemps que peut le faire ton appareil photo. Tu peux faire du Light Painting sur un sujet ou tourner la source de lumière vers la lentille pour créer des lignes et dessiner ce que tu veux.

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Maintenant cela devient plus simple avec les appareils numériques parce que tu vois immédiatement les résultats mais presque tout le travail sur mon site a été fait sur pellicule, avant l’avènement du numérique, et je devais toujours attendre plusieurs jours avant que ça revienne du labo. Le Light Painting est très dur à contrôler mais te pousse à suivre et à faire confiance a ton instinct. C’est travailler avec ton intuition qui le rend intéressant. En moyenne, j‘avais 1 ou 2 bonnes images sur un film de 36 poses. Maintenant avec un appareil numérique, en voyant immédiatement les résultats, j ai une meilleure idée de ce que je suis en train de faire et en réajustant mes lumières d’une prise a l’autre je peux pousser plus loin et obtenir de meilleurs résultats. Un autre avantage avec le numérique est de pouvoir faire des ajustements sur Photoshop ou sur tout autre logiciel de création photos. Je ne rajoute pas de lumières dans Photoshop, j ‘éclaircie ou j ‘assombrie (dodge and burn) et je retouche la peau quand c’est nécessaire. Même si utiliser de la pellicule est plus difficile, ça a du charme et le grain que tu obtiens est très beau, surtout pour les grands tirages.

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Regardons de plus près certains de mes Light Painting.

J’habitais à New York quand j’ai exposé à la galerie K.O.A.P dans East Village. Katsu, le propriétaire décida de monter une exposition au Japon avec quelques uns de ses collaborateurs, il nous a donc installé à la galerie T.Y.K.2 à Tokyo. Dès mon arrivée, je suis purement et simplement tombé amoureux de ce pays. J’ai laissé le vol du retour se faire sans moi et avec deux sacs à dos et 1000 dollars en poche, j’ai fini par vivre 10 ans au Japon. Oui, ça a complètement changé ma vie. (Merci la vie !)

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Quand j‘étais là bas, j’ai rencontré des membres de Sal Vanilla, une compagnie de danse de Butoh. C’est une technique de danse contemporaine née dans les années soixante. Nous avons commencé une série de collaborations, d’abord en Light Painting, puis en vidéo et finalement en performances live. Cette collaboration entre Sal Vanilla et moi était une véritable symbiose. Nous étions comme un seul organisme créatif. Sans avoir besoin de parler, vraiment sur le plateau peu de mots étaient prononcé, nous avons crée une série d’images qui n’avaient jamais été vues auparavant, quelque chose de vraiment nouveau. Ils bougeaient de manière tellement unique et prenaient forme avec leurs corps comme s’ils avaient un cerveau en commun. C’était comme une créature faite de différents corps. Avec un sujet pareil, la lumière que je créais était bien au delà de tout ce que j’avais fait jusqu’alors.

C’était la bonne touche, les bonnes couleurs, le bon timing, le bon temps d’exposition. Cela ne se passe pas toujours comme ça. Certains tirages sortent bizarrement avec parfois des résultats décevants mais avec Sal Vanilla, tellement d’images étaient excellentes. Sur un film de 36 poses, j’obtenais au moins 12 images fortes et uniques. Plus de photos sur : Butoh.

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J’ai fini par réaliser, d’un shooting a l’autre, que le résultat est toujours une accumulation de tout ce qui s’y rapporte. Par exemple, dès le début, ta vision, ton inspiration ou ton intention, les gens impliqués, ta façon de partager et de t’entendre avec eux, le temps qu’il fait ce jour là, ton sommeil de la veille, le temps et les efforts investi dans l’élaboration de ton projet…tout influence tes prises de vues. Alors si tu veux faire un bon shooting, donne tout ce que tu as, travaille avec des gens avec lesquels tu t’entends bien et crée une bonne ambiance en mettant les gens a l’aise, choisi une musique adéquate et amuse toi. Soit enthousiaste et minutieux dans tes préparatifs et jusque dans les moindres détails. C’est un processus alors c’est la manière dont tu vas jusqu’à ta destination qui fait le voyage plutôt que de focaliser sur ton point d‘arrivée.

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Aussi, quand j’étais au Japon, le photographe Mark Higashino m’a présenté Itaru Sugita, directeur artistique et graphiste. En 1998, j’étais passé lui dire bonjour à son bureau à Tokyo, il travaillait sur une présentation pour la Toyota Altezza, la nouvelle voiture à l’époque. En le regardant travailler je lui dit : “ pourquoi ne fais tu pas du Light Painting dessus ? “ je plaisantais bien sur, je n’aurais jamais imaginé cela possible. Tout ce que j’avais à ce moment là en tant que Peintre de Lumière se résumait à des portraits et à quelques corps entiers. En plus je faisais du Light Painting directement sur le sujet, je n’en n’avais encore jamais fait dans un espace vide en pointant les lumières vers l’appareil en tournant autour du modèle. Après avoir écouté mon idée, celle de faire du Light Painting sur la voiture , Itaru est resté silencieux un long moment puis a fini par dire : “ C’est une bonne idée! “ J’ai fait euuu, mmm, OK !? Le simple fait d’avoir été spontanément naïf m’a rapporté le plus grand projet que j’avais fait jusque là. On a commencé en faisant du Light Painting sur une voiture miniature avec du papier aluminium dans le fond pour présenter le concept à Toyota.

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Ils ont aimé et m’ont proposé de faire un test sur une vraie voiture. Là j’ai eu vraiment peur, ils investissaient beaucoup d’argent et je ne savais pas si je pouvais le faire ou si c’était même possible. Au bout d’un moment, on a fait un essai en studio sur une autre voiture puis sur une Altezza, tous avec des appareils photos de format 4×5, prenant des photos avec 4 ou 5 appareils différents, dont un avec une pellicule Polaroid. J’utilisais le traitement croisé ( cross process) et un de mes tirage est sortit suffisamment bien pour que Toyota approuve notre test et donne le feu vert pour passer au niveau suivant. Puis nous avons fait un 2ème essai sur la vraie voiture (c’était top secret à ce stade), et c’est là que j’ai vraiment appris comment faire du Light Painting sur une voiture. L’équipe me donnait des informations clefs sur ma peinture de lumière et sur les reflets qu’elle faisait sur la voiture. C’était important de comprendre et de respecter sa forme et son design. Je pense qu’on a fait un shooting de 2 jours en studio. On a fait un travail simple et élégant. La lumière était épurée et forte. Quand on l’a présenté à Toyota ils ont dit que c’était bien mais que pour la prochaine fois ils voulaient mon ART. Ils voulaient que je passe au niveau supérieur. Je me suis dit “ils le veulent, ils vont l’avoir“. Je me suis super motivé pour le dernier shooting. J’étais prêt à exploser de lumière.

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Le jour du shooting, j’ai dansé intensément, la musique a fond, et j’ai fait du light painting sur et autour de la voiture comme si demain n’existait pas. On a fait a peu près 15 heures de light painting par jour, 3 jours de suite. Certains temps d’exposition ont pris jusqu’à 30 mn sans interruption en une seule prise. C’était magique. On a obtenu des résultats spectaculaires. Plus tard on a fini par exposer au Spiral Hall de Tokyo, on avait des livrets de cartes postales, des affiches dans le métro, des pages dans des magasines. On a même fait une vidéo promo de Light Painting dirigée par Keiichiro Mukai. Vous pouvez en voir une version éditée ici sur YouTube. Cette expérience Toyota a été un pic dans ma carrière, venant de la scène créative underground de New York aux lumières de Tokyo. Quelque chose de nouveau a vraiment été fait. Honnêtement, le succès de ce projet a été sa planification. Itaru, le directeur artistique, savait que c’était la première fois que quelque chose de la sorte était fait et il a dû élaborer un plan intelligemment. Une nouvelle route, un nouveau procédé, suffisamment de temps et d’espace pour le réaliser correctement.

Ça a pris plus d’un an pour que le projet aboutisse. J’ai dû attendre 6 mois pour l’accord initial, l’exécution, le premier oui et entre chaque shooting encore quelques mois pour chaque étape. Le processus était parfait et a donné lieu à de fabuleux résultats. Ce bond en avant m’a complètement changé en tant que peintre de Lumière, c’est une bonne chose d ‘être naïf parfois.

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Maintenant je suis de retour à Montréal, j’y construis ma base et je répands le Light Painting. J’utilise ce temps de transition pour passer de l’analogique au numérique. Je suis content d’avoir immédiatement les résultats et de ne plus avoir à attendre plusieurs jours qu’ils reviennent du labo. Moins de stress et plus de flexibilité. Le traitement croisé (cross process) a fonctionné pour moi à cette époque mais maintenant avec le numérique les résultats que j’obtiens avec la lumière sont plus proches de ce que mes yeux voient en réalité lorsque je shoot. Et aussi ça m’ouvre l’opportunité de retoucher sur Photoshop. Je peux me faire mon propre labo à la maison et peaufiner mon travail selon ma vision. C’est un moyen flexible qui a beaucoup d’avantages créatifs et commerciaux. Vous pouvez voir ici le travail que j’ai effectué depuis mon retour : new.

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L’histoire du Light Painting

Autorisez moi a partager avec vous l’histoire du Light Painting que j’ai rassemblé jusqu’à présent. L’origine du Light Painting, que j’appelle aussi l’art de bouger la lumière et qui est aussi connu sous l’appellation Graffiti de lumière, remonte à un moment déjà. L’artiste Man Ray en a fait en 1934, il doit bien être le premier. Le peintre Georges Mathieu a créé son propre style de peinture en utilisant une ampoule dans le noir, capturant le mouvement de ses mains en laissant un long temps d’exposition avec un appareil photo.

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Le photographe Gjon Mili a fait une celebre collaboration de Light Painting avec Picasso sur Le Centaure en 1949.L’artiste Eric Staller en a fait aussi. Troy Paiva fait des shooting la nuit depuis 1989, utilisant la lumière de la pleine lune et aussi l’œuvre de Dean Chamberlain est absolument remarquable.

Plus récemment, j’ai vu sur le web que beaucoup de nouveaux artistes émergeants utilisent le Light Painting. Je le vois comme une nouvelle forme d’art. En 2009, il y a eu sur mon site 24000 visites venant de plus de 130 pays différents. Le Light Painting est en pleine expansion. Un très bon ami New Yorkais, Aurora Crowley fait de superbes photos de mode en Light Painting. Un autre ami, Français cette fois, Julien Breton, fait de la Calligraphie lumineuse. On peut voir des nouvelles animations Japonaise de Light Painting intéressantes sur: pikapika. Il y a le street art de Marko 93 qui est a voir.

Vous pouvez aussi trouver plein de peinture de lumière en faisant une recherche sur Flickr. Et bien sûr sur mon site vous pouvez en voir plus de 100, montrées pour la première fois sur : Patrick Rochon.

J’espère vous avoir donné envie d’essayer par vous même.

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